Virus et autres inconnues.
Mars 2020, un mois dont nous nous souviendrons sans doute longtemps comme celui qui nous aura plongé dans un état d’esprit, des situations auxquelles jamais nous n’avions été exposé…
On pourrait se sentir comme un funambule, qui n’a d’autres choix que de se rendre de l’autre côté de son câble, car il sait qu’il est plus simple d’avancer que de tenter une marche arrière. Et puis cette marche arrière n’existe pas de toute façon.
Le funambule est bien loin de moi et de vous aussi sans doute, mais de se sentir en équilibre dans une incertitude est pourtant une sensation que je peux ressentir.
En ces temps qui paraissent obscurs, ou nous ne savons pas comment nous allons faire la traversée tant dans les petits détails quotidiens que le temps que cela nous prendra, je pense à mes plongées sous terre, ces plongées qui me manquent tant aujourd’hui et qui pourtant pour un non plongeur spéléo peuvent être effrayantes.
Je suis dans une parfaite mise en abyme.
Chaque exploration dans le monde intérieur et obscur de la terre est une immersion complète sans compromis. Je sais que je vais m’exposer à un environnement que je ne connais pas, en même temps je peux m’imaginer ce à quoi je vais être confronté car j,ai déjà dans ma vie experimenté des situations similaires avec plus ou moins d’intensité.
Alors je me prépare. Je me renseigne au maximum auprès de sources surs, de ceux qui avant moi ont traversés ses espaces inconnus, auprès de ceux qui disposent de la connaissance et de l’expertise. Je prépare mes équipements, avec la redondance nécessaire, ni trop ni trop peu. Je pense et remets en question mes choix. Je vérifie que tout est en ordre, je fais mes check-lists. Je choisis aussi ceux qui plongeront avec moi et peut-être, j’irai seule, oui seule. Parfois vaut mieux être seule que mal accompagnée et certains espaces ne permettent pas à deux personnes de s’en sortir si cela tournait vraiment mal. Je redouble de prudence. Cette traversée, je dois la faire et je mets tout en place pour qu’au final elle se soit transformée en découvertes constructives, en accomplissement.
Je me mets à l’eau, non sans appréhension. Serais-je en mesure de faire cette plongée? Personne n’est à l’abri d’un accident, d’un incident. Rien ne me dit que je passerais à travers. Mais je suis prête et je me suis tellement bien préparée, je suis tellement vigilante et alerte que les risques sont minimisés au maximum.
Me voilà sous l’eau, au départ c’est presque facile, je suis la ‘’guideline’’, celle qui me dit exactement ce que je dois suivre pour évoluer en toute sécurité. Je ne la lâche pas des yeux, je sais en tout temps, où elle est. Je poursuis mon chemin et ma lumière éclaire quelques mètres devant moi et me fait découvrir au fur et à mesure un monde au-delà de la noirceur inquiétante. À chaque coup de palme, tout devient plus clair, moins inquiétant. Je suis dans un environnement qui me devient familier. J’y découvre des formations que je n’avais jamais vues, des roches de formes et de couleurs si variées que je ne soupçonne même pas leur existence. Mon esprit et mes yeux grands ouverts se nourrissent de ce monde de possibles. Je tente de capturer avec ma caméra tout ce que je voie pour le partager plus tard et m’en servir pour d’autres expéditions.
Pour le moment, je suis toujours la dans cette rivière souterraine inconnue qui me sort de ma zone de confort. Et puis au loin, je crois apercevoir une lueur. Je crois que c’est ma lumière qui se reflète sur des bulles d’air au plafond, mais non il n’en est rien. Je cache ma lumière un instant. Est-ce que j’hallucine? C’est bel et bien un point de sortie de la grotte, une sortie que personne n’avait eu à prendre avant. C’est l’occasion d’emprunter ce lieu non balisé et de voir que oui c’est possible. Je reste calme, une respiration lente et profonde, normal quoi. Je m’arrête un instant et comme explorateur, je me dis que je vais aller voir si je peux sortir par la.
Je prends mon moulinet et commence à attacher ma ligne à celle existante. Je suis les mêmes règles de sécurités. Je n’en dérogerais pas. Je sais qu’elles me garderont en vie. En tout ça, c’est ma meilleure option connue.
Pour atteindre ce point lumineux à la surface, je vois bien une étroiture devant moi, une restriction que je n’ai pas envie de passer, un peu trop restrictive. En même temps, en y allant doucement, en restant focus, je sais que je vais la passer. Alors voilà, je reste concentrée, je passe une bouteille devant moi, puis l’autre. Je ne me sens pas très confortable, peut-être même au point de ne pas avoir envie d’être ici, mais j’y suis de toute façon. Alors je continue . C’est un peu à l’étroit et tout à coup, je me sens même un peu seule, même si je ne suis pas la seule dans l’aventure.
À la surface, je sais qu’il y a le reste de mon équipe que je ne suis pe, une belle grande équipe solidaire, volontaire qui sait mettre tout en place lorsqu’il faut pour que les traversées soient un succès. Et comme d’habitude, lors de moment difficile. Je me dis que c’est juste une question de temps. Dans quelques heures ou à un moment donné, je serais sortie saine et sauve, peut-être avec une égratignure ou deux. Et tellement plus forte d’une expérience unique.
Je pourrais lever mon verre avec les copains de longue date et les plus récents, avec tous ceux qui se sont impliqués de façon sécuritaire et solidaire dans une traversée involontaire qui fera de nous de meilleurs humains.
We’re all in this together.
Bonne journée